Afin d’éviter les incohérences de scénario et les impasses durant l’écriture de celui-ci, il est important d’avoir une idée générale de ce que l’on va écrire, du début à la fin. Le script-doctor Truby, dans son livre Anatomie du Scénario, nous le rappelle souvent : si écrire une histoire est un voyage, il est important d’en connaître la destination afin d’être sûr de ne pas se perdre en route. Bien sûr, on peut modérer ce propos en pensant à des formes d’écriture plus libres, mais dans le cas d’une saga, je pense qu’il est bon de suivre un cap.
Je vous avais déjà parlé des carte mentales (mind map) pour l’écriture de scénario, un outil vraiment très pratique que l’on peut utiliser entre autre pour avoir une vue d’ensemble de tous les éléments dramatiques présents dans la saga, avec les questions ouvertes, les résolution d’intrigue etc… Il est temps de vous faire découvrir un autre type de carte.
Les Cartes Conceptuelles
Contrairement aux cartes mentales, dont les nœuds ont une relation de parent/enfant en partant d’un « ancêtre commun », les cartes conceptuelles sont plus souples, car les nœuds ne sont pas hiérarchisés et leur liaisons peuvent donc être de natures diverses et variées. Autrement dit, on peut y relier les nœuds comme on le souhaite, avec des allers/retours, des schémas en cercle, en arbre, en carré, bref, toutes les dispositions qui vous viennent à l’esprit.
Elles sont donc extrêmement pratiques pour expliquer des concepts complexes… d’où leur nom, vous l’aviez deviné.
Les cartes n’ont pas besoin d’être très évoluées, elles ont juste besoins d’être cohérentes. Leur côté modulaire vous permettra de rajouter certains nœuds au fur et à mesure de l’écriture, en veillant bien à ce qu’aucune incohérence ne se créée avec les nœuds déjà en place.
Si elles peuvent vous rendre bien des services pendant l’écriture d’un scénario, pour définir les relations entre les personnages ou la chronologie des événements non pas tels qu’ils sont racontés mais tels qu’ils ont lieu dans l’histoire, c’est avant tout à la création de créatures qu’elles m’ont été très utiles.
Exemple : Le Cycle de vie des Vermoïdes
Que se passe-t-il de la naissance à la mort d’un vermoïde lambda ? Quelles sont leurs étapes de développement ? Comment se nourrissent-ils ? comment se reproduisent-ils ? Que se passe-t-il si ils ne mangent pas ? Et si ils ne trouvent pas d’hôte ? Les réponses à ces questions sont toutes présentées dans la carte de leur cycle de vie, dont une version édulcorée illustre cet article. Note : n’oubliez pas que ce schéma n’a pas plus de valeur que n’importe quel brouillon, le cycle de vie des vermoïdes peut très bien évolué de manière bien différentes dans les épisodes. D’un point de vue de l’histoire et du spectateur, ce sont les infos telles que véhiculées dans les œuvres finalisées qui compte : ne croyez pas ce schéma définitif, et ne vous en servez pas pour vérifier la cohérence des épisodes, il peut très bien avoir changé de mon côté !
Ainsi, le développement des vermoïdes d’Alien 2347 a d’abord été conceptualisé sous forme de carte, afin d’avoir une vision globale de ce type de créature avant de l’insérer dans le scénario. C’est au fur et à mesure que les personnages découvrent les nœuds de leur cycle de vie ; une écriture plus spontanée serait basée sur le fait de rajouter des caractéristiques à la créature au fur et à mesure de l’histoire, au risque d’avoir des étrangetés sur le métabolisme de celle-ci, et de parfois, se retrouver bloqué.
C’est une bonne façon de donner vie aux créatures avant même que toutes leurs facettes ne soient dévoilées dans l’histoire. Chaque nœud du cycle de vie peut être enrichi par la référence de l’épisode, le personnage, la ligne de dialogue qui révèle une des caractéristiques de la créature.
Et c’est parce que les nœuds ne sont pas hiérarchisés que les cartes conceptuelles sont parfaites pour cela.
L’Ironie Dramatique
Il n’est pas obligé que tous les personnages soient au courant de l’ensemble des caractéristiques d’une créature. Il est même probablement plus intéressant que ce soit avec l’ensemble des personnages, aussi déconnectés les uns des autres soient-ils, que le spectateur en apprend plus sur les créatures, de manière à ce qu’il en sache plus sur celle-ci que chaque personnage pris individuellement.
Cela permet notamment de créer de fortes scènes de suspens, où le spectateur sait que la créature est capable de faire telle ou telle chose parce qu’on l’a appris dans une précédente scène, alors que les personnages de la scène se déroulant ne se doutent de rien.
C’est une exploitation du concept d’ironie dramatique.
À la fin de la saga, il peut être intéressant d’avoir veillé à ce que le spectateur aie pu avoir connaissance de chacun de ces nœuds à un moment ou un autre de l’histoire, de manière plus ou moins explicite, sauf si vous voulez garder une touche de mystère bien entendu.
Les Outils
La plupart des logiciels de cartes mentales traditionnelles (comportementales/heuristiques) ne permettent pas d’avoir de mode non-hiérarchisé, et par conséquent, vous ne pourrez les utiliser pour faire des cartes conceptuelles.
Il est même assez surprenant de voir que, si les solutions existent à foison pour les cartes mentales, c’est un peu le désert pour les cartes conceptuelles.
J’ai pour ma part utilisé l’excellent (en terme de possibilités) Vue: Visual Understanding Environemment, gratuit et open source, que vous pouvez voir dans l’illustration.
Cependant, les chefs du projets ont arrêté le développement (ils me l’ont dit par mail) et personne ne semble avoir pris la relève depuis 2013. Ce qui est bien dommage car le logiciel manque de certaines fonctionnalités annexes (la création des cartes est en soit, très puissante).
Vous pouvez aussi allez voir du côté des logiciels / services en ligne du type « flow chart », dont on peut se servir pour faire des cartes conceptuelles, de manières certes moins optimisée qu’un logiciel qui ne ferait que ça mais de manière tout à fait correcte, et tout autre sorte de schéma. La plus part peuvent répondre à la demande d’une utilisation collaborative en temps réelle et d’une utilisation sur smartphone, ainsi que d’une synchronisation en ligne, utile lorsque l’on se brainstorm à plusieurs endroits avec différents périphériques.
Je vous conseille de jeter un oeil Cacooweb si vous avez besoin de ce genre de fonctionnalité, qui est le seul service parmi la dizaine que j’ai testé qui avait une offre gratuite satisfaisante. Ne m’étant pas encore servi pour un scénario, je n’ai malheureusement pas de screenshot à vous montrer.
Conclusion
J’espère que cet article vous aura plus, que ce soit en en apprenant plus sur l’écriture du scénario d’Alien 2347, sur l’écriture de scénario en général, sur les cartes conceptuelles…. ou sur les vermoïdes, bien qu’a priori vous êtes déjà censé savoir tout ce que je n’ai pas censuré sur l’illustration, si vous avez écouté tous les épisodes actuellement sortis (jusqu’au 7, donc).
A bientôt dans un article encore plus détaillé sur l’écriture d’Alien 2347 !