La notion de volume est comme tout le monde le sait, un aspect essentiel du mixage, et regroupe plusieurs concepts, notamment la balance (le volume relatif de certaines pistes par rapport à d’autres, comme les voix par rapport à la musique, les bruitages par rapport aux ambiance etc), l’équalisation (d’une certaine façon, le contrôle du volume par bande de fréquences), et, ce dont il sera question dans cet article, le contrôle de la dynamique (l’intensité de la différence de volume entre les sons forts et les sons plus faibles).
Les voix sont particulièrement concernées par cette notion de dynamique, car un enregistrement vocal présente souvent de grandes fluctuations de volume, que ce soit parce qu’il y a des variations dans l’énergie donnée par le/la vocaliste lors de sa performance (qui peut aller du murmure jusqu’au hurlement), ou que ce soit parce que la position du micro par rapport à la bouche varie pendant la prise (ce qui est normal, difficile de rester strictement statique face à un micro quand on parle).
C’est le volume des voix dans votre production sonore qui va servir aux auditeur et aux auditrices comme référence pour le réglage de la puissance de leur dispositif d’écoute, car ce sont elles qui diffusent le plus d’informations sur le récit, et qui constitue de fait l’essentiel des sons mis en premier plan dans le mix. Un bon mixage aura ainsi une dynamique contrôlée pour que les dialogues soient intelligibles et agréables à écouter à volume constant sans avoir à ajuster le volume du casque ou des haut-parleurs, mais gardera une petite marge de volume supplémentaire les passages plus intenses, en contraste avec le volume moyen du reste de la production, afin que pouvoir véhiculer l’idée de puissance nécessaire à votre son à ce moment particulier.
Si le volume fluctue trop au cours de votre production, la personne qui écoute sera incitée à ajuster le volume par elle même sur son dispositif d’écoute au fur et à mesure, ce qui peut procurer un certain agacement sur des longues productions. Celles et ceux qui ont déjà passer des films entiers avec une télécommande à la main en montant le volume dans les scènes de dialogues et en le baissant lors des scènes d’actions reconnaîtront cette situation désagréable.
Nous allons donc voir les stratégies habituelles de contrôle de la dynamique des voix, avant de considérer une méthode moins courante, et qui pourtant, s’avère particulièrement intéressante en fiction sonore et en podcast : l’auto-volume. Ces méthodes sont d’ailleurs plutôt une suite de processus (à faire dans un sens ou dans l’autre), l’une ne vient pas remplacer une autre.
Méthodes
Pour chaque méthode suivante, nous partirons d’une réplique de Smith dans l’épisode 13. Tous les exemples sont normalisés à -24dB pour permettre une bonne comparaison.
Gain au niveau des Objets
Le contrôle de la dynamique peut se faire tout simplement en coupant les objets sonores et en ajustant le volume-gain de chaque section. Mais cela peut demander beaucoup de coupes, et ne permet pas l’interpolation entre deux valeurs de gain.
Automations / Enveloppes
Avec des automations/enveloppes de volume sur les pistes ou les objets directement, on peut faire évoluer simplement le gain d’une certaine valeur vers une autre entre deux points dans le temps. Typiquement cela peut vous permettre de booster un passage qui serait trop faible et de baisser un qui serait trop fort, avec plus de contrôle qu’en splittant les objets, car la variation d’intensité d’un point à l’autre est progressive. Ce travail est simple à comprendre et mettre en place (pas besoin de plugin), mais il est minutieux, il vaut mieux l’exécuter après les autres méthodes plus automatiques qui seront mentionnées ci-dessous. À noter que les envelopes sur les objets sont pre-trackFX, cela ne donnera pas le même résultat que de les faire au niveau des pistes (post-trackFX). Le faire au niveau des objets est souvent la solution à considérer.
Compression
Une autre méthode consiste à utiliser un compresseur en effet de piste. C’est un effet sonore qui a pour but de réduire la dynamique en diminuant le volume en fonction d’un ratio lorsque le son franchi un certain seuil de volume pendant un temps déterminé (l’attaque). Les valeurs de ces paramètres sont bien sûr la plus du temps des valeurs ajustables par l’utilisateur. Un compresseur « écrase » donc la dynamique du son, ce qui permet de contrôler les passages plus forts d’une performance dont le volume est fluctuant (ce qui est indispensable sur les voix).
Pour les passages trop faibles, on pourrait compresser fortement un signal (c’est à dire, mettre un seuil très bas et un ratio très élevé), et booster le volume du résultat. Mais un son trop compressé ne sonne pas très naturel, et cette astuce ne passera pas dans toutes les situations.
Par rapports aux enveloppes, ce processus est automatique (il y a rarement besoin de l’ajuster une fois qu’il est posé), et réagit aussi plus vite aux changement de volume (il faudrait vraiment beaucoup de points d’enveloppes pour faire ce que fait un compresseur).
Gain Rider / Auto-Volume Levelers
C’est là que peut intervenir un certain type d’effet plutôt récent mais qui je dois reconnaitre peut faire des miracles : les auto-volume levelers (ou gain riders, ou vocal riders, le terme n’est pas standardisé, et les implémentations varient pas mal, je dirai juste auto-volumes par la suite). J’ai commencé à en utiliser dans la saison 2 d’Alien 2347 et je dois avouer que j’apprécie beaucoup le résultat, je ne le bypass que dans de très rares cas.
Un auto-volume est un effet qui va booster ou diminuer le volume du son vers une valeur cible, un peu comme une automation de volume, mais de manière très rapide et surtout, automatique, le tout seulement dans un certaine fourchette (un son ne sera pas booster au delà d’une certaine valeur). On a ainsi une réduction de la dynamique car le volume de la piste va tendre vers une valeur cible, en diminuant le volume lorsque le signal est fort et en boostant lorsqu’il est faible (ce que ne fait pas un compresseur). Aussi, le son peut paraître moins compressé car il n’y a pas de notion de ratio.
Il y a plusieurs plugins pour cela qui existent, plus ou moins abordable. J’ai utilisé Era Voice Leveler dans la saison 2 sur le bus des voix directement (donc toutes les voix passent par cet auto-volume, avec une seule instance dans le projet), mais à la surprise général, la compagnie vient tout juste de se faire racheter et ce plugin n’est plus disponible 😫. J’utilise depuis MAutoVolume de MeldaProduction et je dois avouer que j’en suis encore plus satisfait ! Le résultat est transparent et très agréable à écouter, et l’utilisation est simplissime. Il n’est pas gratuit mais abordable lorsqu’il est en solde, et a une version d’essai si vous voulez tenter par vous même. Il y a aussi un vocal rider chez Waves mais je préfère le business model et l’implémentation de MeldaProduction. Il y a peut-être eu quelques alternatives plus abordable voir gratuites, en VST ou en JSFX pour REAPER, mais MAutoVolume est ce qui m’a me plait le plus jusqu’à présent.
Je conseille aussi l’usage de ce type de plugin à ceux qui font du podcast ou des tutoriels, car la simplicité d’utilisation permet d’aller vite, tout en ayant un résultat très appréciable. On le met en FX sur une piste, et on s’en occupe plus ! 😎
Conclusion
La combinaison des méthodes (ajustement du gain sur les objets, automations de volume, compression, et auto-volume) permet de prendre le contrôle total de la dynamique des voix de votre mixage, et d’obtenir un volume bien équilibré, un son naturel et des répliques intelligible. Vous pouvez alors soit travailler en top-down mixing, c’est à dire avec le compresseur et/ou l’auto-volume activés, d’ajuster le gain des objets ou de leur section en fonction (les FX mentionnés ne marchant qu’à partir d’un certains seuil) et de n’ajouter des enveloppes que si cela est nécessaire, les FX devant déjà faire une bonne partie du travail d’équilibrage, ce qui est une méthode rapide, ou à l’inverse, de commencer par ajuster le gain et les enveloppes, de mettre tout à un certain volume manuelement avant d’appliquer les effets qui apporteront le polish final.
Si cet article sur le mixage vous a intéressé, dîtes le moi en commentaire, et je vous préparerai un autre ! J’ai encore pas mal de petites astuces à partager. 😉